Hors les murs : quand l’animation socioculturelle se délocalise

Un après-midi à PréauBulle (Crédit Pré-en-Bulle)

Lettre de la Fédération N° 27 – Mars 2022

En mai 2021, la Cour des comptes de Genève publiait son rapport d’évaluation sur «L’animation socioculturelle – Activités tout public et cohésion sociale». Dans une courte vidéo de présentation de ce travail, Isabelle Terrier, actuelle présidente de la Cour des comptes, précise la question que la CdC s’est posée et son contexte : «quelle est la pertinence de cette animation socioculturelle au regard de l’objectif de cohésion sociale ?», dans la perspective de l’important développement urbain que connaît le canton de Genève avec la création de nouveaux quartiers et le défi de l’accueil d’un très grand nombre de nouvelles et nouveaux habitant.es sur le territoire.

Premier constat : «les activités qui sont les plus propices à cette cohésion sociale, ce sont les activités dites délocalisées, c’est-à-dire les activités qui sont faites en dehors de la maison de quartier», explique Isabelle Terrier au micro de Radio Lac à l’occasion de la publication du rapport. Le rapport liste plusieures conditions de réussite : «la régularité des actions, l’implication des habitants tout au long des projets et la diversité des activités proposées (activités de loisirs, événements, soutien à des projets)». Mais, la Cour des comptes relève aussi que ces activités «ne sont (…) que peu mises en œuvre, d’une part car les programmes d’activités sont déjà très chargés, d’autre part en raison des ressources supplémentaires qu’elles nécessitent», et émet deux recommandations sur ce sujet à l’adresse du Secrétariat général de la FASe et de la FCLR.

Quatre centres nous ont partagé leurs expériences et leur réflexion autour de leurs activités «hors murs» : Le Rado-Versoix, le centre de loisirs du Grand-Saconnex, Pré-en-Bulle à Genève et la maison de quartier Le Spot à Chêne-Bourg.

Les recommandations de la Cour des comptes

Pour répondre à la question dont elle s’est saisie, la Cour des comptes a poursuivi deux objectifs : «d’une part évaluer dans quelle mesure les centres adaptaient leurs activités tout public en réponse aux besoins de cohésion sociale particulièrement marqués dans les quartiers connaissant un important développement urbain. D’autre part, évaluer la pertinence d’un modèle d’animation relativement récent, à savoir les activités tout public délocalisées, suivant lequel les animateurs des centres proposent des activités à proximité directe de quartiers populaires (anciens ou nouveaux) dont les habitants ne fréquentent pas les centres» 11 Cour des comptes (2021). L’animation socioculturelle – Activités tout public et cohésion sociale, rapport d’évaluation n°166, p. 3. Les magistrat.es chargé.es de l’évaluation ont étudié en détail quatre maisons de quartier «qui ont développé des activités spécifiques dans des secteurs présentant d’importants enjeux en matière de cohésion sociale et à proximité de périmètres destinés à accueillir de nouveaux ensembles urbains»22 Ibidem .

Finalement, le rapport présente deux recommandations qui concernent en particulier la FCLR, conjointement au Secrétariat général de la FASe :

  1. Renforcer la capacité des centres à réaliser des accueils tout public délocalisés33Explicitée en page 52 du rapport d’évaluation de la Cour des comptes avec la position du Conseil de Fondation de la FASe
  2. Faciliter l’implication des habitants des quartiers concernés44Explicitée en page 53 du rapport d’évalutation de la Cour des comptes avec la position du Conseil de Fondation de la FASe.

Elle fixe par ailleurs un délai au 30 juin 2023 pour plancher sur ces recommandations.

Les exemples d’activités délocalisées menées par les centres ne manquent pas et la participation des habitant.es occupe depuis toujours les acteurs de l’animation socioculturelle genevoise : elle est l’essence même de sa pratique. Des initiatives, parfois très anciennes, illustrent le cercle vertueux de l’implication d’individus qui s’engagent pour leur quartier.

«25 ans et toujours pas dedans !»

Ce slogan est un joli pied-de-nez de Pré-en-Bulle à son histoire. Et pour cause ! Au cœur des Grottes, Pré-en-Bulle est un centre à part, précisément parce qu’il n’a pas de lieu fixe d’animation. Depuis sa création en 1996, son équipe travaille donc «hors murs» et «ce qui était un défaut au début est devenu une force», explique Michael Palocsay, animateur. «Cela nous a obligé.es à aller dehors, à utiliser l’espace public urbain, et à aller à la rencontre des habitant.es là où ils et elles se trouvent plutôt que de les faire venir là où nous sommes». Littéralement, c’est donc bien «au cœur» du quartier que Pré-en-Bulle déploie ses activités.

Comment le centre construit-il un programme d’animation dans ce contexte ? Dans tous les cas, «les animations se mettent en place selon les besoins des habitant.es, des acteurs et des réseaux avec lesquels on est en contact», précise Michael. Le programme se décline à la fois autour d’activités ponctuelles pour faire du lien avec tous les publics, notamment par l’organisation de fêtes, et d’activités «courantes» plus spécifiques, disséminées dans divers lieux et moments de la semaine pour toucher différents publics. L’association compte ainsi neuf triporteurs thématiques (jeux, guinguette, cirque, etc.) pour les activités mobiles tout public dans les parcs. De plus, l’équipe va à la rencontre des ados via des activités dans les salles de gym, et «aux beaux jours, nous allons aussi dans les préaux avec l’activité PréauBulle. Cette activité crée une dynamique entre les enfants qui jouent dans les préaux des écoles et les parents qui viennent les attendre», ajoute Vincent Galley, co-président. Enfin depuis 2020, le centre peut aussi compter sur le pavillon de la Buissonnière, un lieu hybride, ouvert aux quatre vents, pour accueillir des activités nature avec les enfants au parc Beaulieu.

Périphéries et nouveaux quartiers : créer la rencontre

La situation de Pré-en-Bulle est certes unique. Les autres centres bénéficient tous de lieux fixes pour déployer des animations. Pour autant, il n’est pas rare qu’ils sortent de leurs murs pour délocaliser leurs activités.

En 2020, ce sont les circonstances qui l’ont exigé. Pendant les périodes de confinement, il s’agissait «de continuer de tisser le lien et même de saisir ce temps comme une opportunité pour renforcer la cohésion sociale», disait Thibaut Lauer, alors animateur à la maison de quartier de la Concorde devenu crieur public colportant les nouvelles d’un immeuble à l’autre. Quand le dedans n’existe plus, vive le dehors !

De nombreux projets sont nés ainsi. Peu ont duré sans doute. Mais indépendamment de cette période pandémique, les centres sortent de leurs murs depuis toujours pour aller au contact des habitant.es. Il y a d’abord les temps festifs emblématiques comme le Bonhomme Hiver, la Fête de la musique, les fêtes de quartier, que les centres d’animation socioculturelle co-organisent en partenariat avec les autres associations du quartier. Ce travail de réseau est important car «il permet d’être en lien avec un plus grand nombre de personnes et d’habitant.es», souligne Mathieu Lewerer, animateur au Le Spot de Chêne-Bourg. 

Initialement, Le Spot était un centre de loisirs. Il y a 10 ans, «il s’est mué en maison de quartier pour travailler davantage sur la dimension associative du lieu et renforcer notre présence dans l’espace public», explique Mathieu. C’est à cette époque que le centre s’est doté d’une charrette de jeux qui s’installe d’avril à octobre tous les vendredis après-midi après l’école, en tournus dans les différents parcs alentours. «La MQ touche des gens dans un périmètre de 200 à 300 mètres. À travers la charrette, l’équipe noue des contacts avec un public plus large et plus lointain : des familles, des grands-parents, des ados, selon la couleur et la dynamique de chaque parc. Les gens viennent nous voir pour se renseigner sur Le Spot et pour nous, c’est une occasion d’aller à leur rencontre, d’autant qu’il y a beaucoup de nouvelles constructions et de nouvelles et nouveaux habitant.es dans le quartier».

La charrette de jeux de la Maison de quartier Le Spot (Crédit le Spot)
Goûter «Roule ta pomme» au quartier du Pommier
(Crédit CL Grand-Saconnex)

Au Grand-Saconnex, le centre de loisirs a ouvert l’année dernière un accueil tout public à la Ferme du Pommier. Cette ouverture est le fruit de l’évolution du projet «Roule ta pomme», vieux d’une quinzaine d’années. Entre avril et juin puis en septembre-octobre, l’équipe du centre se déplaçait dans le quartier du Pommier, séparé du village par la route de Ferney, une «frontière» invisible. Comme au Spot, l’objectif était d’aller au devant des habitant.es du Pommier qui fréquentaient peu les accueils libres du centre. L’équipe arrivait en mini-bus et s’installait au centre du quartier avec des sirops, des jeux, des animations. Puis, la commune a construit la nouvelle Ferme du pommier, inaugurée il y a deux ans. «La commune nous a consulté.es et nous avons partagé les besoins que nous avions identifiés au fil des années : un vrai manque d’espaces de rencontre dans le quartier pour une population de jeunes en forte demande», explique Martin Goumaz, animateur au CL du Grand-Saconnex. 

Cet accueil libre est désormais ouvert tous les mardis après-midis, après l’école, ce qui permet au CL d’assurer une présence toute l’année dans le quartier, dans la mesure de ses moyens, et ainsi de combler partiellement les besoins du quartier. Cet accueil est aussi un espace d’expérimentations : chaque mardi, le CL y propose des activités à thème, avec parfois un.e intervenant.e externe. Depuis quelques semaines, un cours de danse s’est ouvert pour les enfants. «Cet accueil est une porte d’entrée : il nous permet de rencontrer les habitant.es et de leur faire savoir que nous pouvons les accompagner dans leurs projets, leurs envies», ajoute Martin. «Mais l’accueil doit encore se faire connaître. Et pour réellement répondre aux besoins, il faudrait sur place une autre association de type jardin Robinson par exemple.» En étant régulièrement présent dans le quartier, le CL du Grand- Saconnex pourrait soutenir l’émergence d’un projet dans ce sens, issu d’habitant.es du Pommier. A suivre…

En attendant, le CL a également le projet d’organiser un Ethnopoly dans la commune pour favoriser la rencontre entre habitant.es des différents quartiers du Grand-Saconnex qui ont peu d’occasion de se croiser.

Repousser les limites

A Versoix, les «Journées Quartiers» sont nées il y a 12 ans pour pallier des besoins que Le Rado n’avait pas la capacité de combler dans ses murs. «Aux accueils du mercredi au centre, nous ne pouvions accueillir que 32 enfants et la liste d’attente était longue», se souvient Bénédicte Haroun-Gössi, animatrice du secteur enfants et tout public. «Plutôt que de continuer de refuser les enfants, avec le renfort de mes collègues, j’ai ouvert un accueil tout public, une fois par mois, en bas des immeubles, et on y amenait les 32 enfants inscrits.»

Pour la première de ces Journées Quartiers, une association genevoise qui souhaitait travailler avec Le Rado lui a mis à disposition un car anglais rouge : «On est parti d’un quartier de Versoix défavorisé et à la mauvaise réputation, et on a relié les autres quartiers de la ville en organisant des animations de plein air à chaque étape». Cette journée lui a donné l’idée de sortir les mercredis pour aller à la rencontre des habitant.es en travaillant avec les associations de quartier pour organiser des animations au bas des immeubles. Ainsi ont émergé les «Mercredis Quartiers», des journées tous publics où les enfants inscrits à l’accueil libre du centre allaient aux animations organisées dans les quartiers avec les habitant.es. «A travers ce projet, nous amenions les enfants inscrits à l’accueil du centre à aller à la rencontre d’autres enfants dans d’autres quartiers, à faire du lien avec leur ville, à dépasser les préjugés et des réticences vis-à-vis d’autres quartiers. Ils pouvaient venir accompagnés de leurs parents qui rencontraient à cette occasion des parents d’autres quartiers aux étapes.»

Avec les années, le projet a encore évolué pour devenir le projet charrette jeux qui se déploie maintenant plusieurs jours dans la semaine, en bas des immeubles et dans les cours des écoles. Cette animation plus régulière touche parents et enfants. Les samedis, une charrette jeux et cafés prend le relais au marché.

Partie d’une intuition, d’une première idée soutenue dès le début par le comité, cette animation hors des murs est aujourd’hui pleinement inscrite dans l’ADN de Le Rado.

De l’impromptu à la participation

Craintes, timidité, auto-censure… Passer la porte d’un centre d’animation n’a rien d’une évidence pour certaines personnes, il faut une intention. «Sortir dans l’espace public permet d’être visible de tout le monde, d’entrer en conversation plus facilement et de toucher des publics qui autrement ne viennent pas dans les centres. Dans l’espace public, c’est plus difficile de nous éviter… », résume Michael de Pré-en-Bulle.

Il s’agit aussi de réfléchir l’espace urbain de manière à en faire une ressource d’animation. Le projet de Pré-en-Bulle vise à rendre les habitant.es actrices et acteurs de leur lieu de vie : «c’est important d’habiter sa ville, d’y rencontrer et d’y connaître des gens. Le rôle de l’animation, c’est de rendre la ville habitable et de rendre les gens citoyens», précise Michael. C’est l’esprit des brunchs au parc Beaulieu organisés pour les gens de passage dans le parc et auquel les résident.es des maisons de retraite du quartier sont invité.es pour «provoquer» la rencontre.

Pour Martin au CL du Grand-Saconnex, «l’enjeu est que les habitant.es perçoivent cet accueil libre hors murs comme un outil, un espace où ils et elles peuvent rencontrer d’autres personnes et où ils et elles se sentent soutenu.es dans leurs idées».

«Cela nous amène à rencontrer les habitant.es et à faire d’autres projets avec elles et eux», complète Bénédicte à Versoix. Ainsi en 2019, l’équipe de Le Rado est contactée par l’association Colore Ta ville (des parents qui ont fréquenté ce centre dans leur jeunesse) qui avait un projet de décoration des arbres de Versoix en tricotin. Cette animation organisée à l’été 2019 avec son soutien a connu un grand succès et a permis à cette jeune association de prendre de l’ampleur. Depuis, Le Rado l’accompagne pour qu’elle ouvre un centre de loisirs d’été, qu’elle propose des activités enfants et ainsi complète l’offre d’accueil du centre. En guise de galop d’essai, l’été dernier, les deux équipes ont monté un projet d’accueil créatif conjoint pour les enfants avec un financement de la commune.

Crédit Le Rado

Cette configuration en prise directe avec la réalité du terrain offre aux équipes au dehors une grande flexibilité pour faire évoluer les activités en fonction de la vie du quartier et de ses habitant.es : «Au dehors, les gens tombent sur nous ou on tombe sur eux. On crée des espaces informels qui facilitent la rencontre impromptue», analyse Michael. «C’est plus facile de bouger avec une charrette, cela donne plus de souplesse pour répondre aux besoins des gens», complète Bénédicte qui évoque, entre autres émergences, le groupe d’habitant.es venu.es lui demander un soutien pour organiser un tournoi de pétanque.

Incuber et accompagner les idées

Un premier fil tissé… puis de fil en aiguille, surgissent des idées qui deviennent des projets, voire plus…

Vincent, le co-président de Pré-en-Bulle, l’illustre : «une bande de skateurs avait fait son apparition dans les préaux d’écoles. Nous intervenions dans les préaux avec PréauBulle, la rencontre s’est faite. Michael a construit avec eux des ‘modules de skate’. Nous les avons aidés à se structurer». Puis, ils se sont organisés en association et ils sont allés voir les Conseillères administratives pour leur demander un local. Pré-en-Bulle les accompagne dans leurs démarches, conjointement avec les TSHM. «Nous sommes incubateurs et accompagnateurs d’idées : nous accueillons toutes les idées et nous essayons de les amener plus loin, en créant des liens, en mettant les gens en réseau, pour que des projets émergent de façon autonome», ajoute-t-il.

Au Le Spot, Mathieu se souvient d’un groupe d’ados qui fréquentaient l’accueil libre depuis des années : «Ils étaient très présents dans l’espace. Avec les TSHM Chêne&co, nous leur avons proposé de se constituer en association et nous les avons aidés à obtenir un local auprès des autorités». La MQ est aussi connue pour animer le réseau associatif et fédérer les initiatives qui émergent de gens vivant ou travaillant à Chêne-Bourg. Ainsi, le marché de Noël traditionnellement porté par l’association de commerçant.es s’était arrêté. Des artisan.nes ont voulu le relancer et c’est vers la MQ que la mairie les a orienté.es pour concrétiser le projet. Autre exemple : la traditionnelle fête d’Halloween est née de l’initiative d’une maman du quartier il y a quelques années. La MQ l’a épaulée pour la première édition qui a remporté un grand succès. Depuis, la fête est devenue incontournable.

La tentation d’un lieu ? La question s’est bien sûr posée à Pré-en-Bulle. Mais, «nous ne voulons pas être concierges d’une salle. Ce qui nous intéresse, c’est plutôt de faire vivre un lieu collectif, complètement ouvert», explique Vincent. «Lorsqu’on nous a proposés de nous faire rentrer dans un espace à l’occasion d’un plan localisé de quartier, on est ressorti : on a proposé d’occuper le parc de Beaulieu avec le projet de la Buissonnière. Pour cela, nous avons engagé deux architectes qui nous ont accompagné.es dans la démarche. On a mis autour de la table les associations de parents d’élèves, le collectif Beaulieu, les associations Nature en Ville et Jardine en ville, etc. Et on s’est amusé à fermer les yeux et à imaginer un lieu.»

La Buissonnière saison 1 – juin 2021 (Crédit Pré-en-Bulle)

La Buissonnière a vu le jour il y a deux ans, sous la forme d’un pavillon de bois à 12 faces, ouverte à tous les vents et aux éléments, aux tavillons en bois dessinés par les enfants… «On s’est fait dépassé par les envies de tout le monde et c’est devenu un projet incroyable, un espace public qui vit sans nous, qui est respecté de toutes et tous», s’enthousiasme Vincent.

«Un état d’esprit»…

Bénédicte du Centre Le Rado le rappelle : «la vie associative est très mouvante : les dynamiques bougent. Il faut avoir cette ouverture aux propositions des gens. Ils doivent savoir que s’ils veulent faire des choses, on peut les soutenir».

«C’est un état d’esprit», précise Mathieu du Centre Le Spot. Il faut de la souplesse pour répondre positivement aux sollicitations et aux besoins des habitant.es, et rester ouvert à la nouveauté. «Pour sortir des murs», ajoute-t-il, «il faut aussi bien connaître les lieux pour être là au moment opportun, lorsqu’il y a du monde. Dans certains endroits, notre charrette jeux est maintenant attendue le vendredi après-midi comme un rituel».

Crédit Le Spot

Au Grand-Saconnex, Martin sait que la présence ponctuelle à la Ferme du Pommier est un souci. «Mais le CL n’a pas la capacité de faire plus», dit-il. D’où l’idée de soutenir le développement d’une autre association dans le quartier du Pommier qui pourrait assurer une présence plus importante. Ce n’est pas chose si simple : «la participation c’est compliqué. On y travaille à travers les actions du centre mais les gens semblent avoir de moins en moins de temps à offrir pour le collectif. La jeunesse du quartier du Pommier (15 ans) joue certainement un rôle». A la différence de quartiers au terreau associatif ancien et ancré, la militance associative et l’esprit de quartier peinent encore à s’y frayer un chemin.

Et un investissement…

Sortir des murs demande du temps, de l’énergie, de la souplesse… et donc des moyens. Car lorsque l’on a des murs et que l’on en sort pour créer le lien autrement, il faut veiller à ne pas déshabiller le dedans pour couvrir le dehors. «Demander de sortir des murs, c’est bien mais attention à ne pas vider des lieux qui coûtent», relève Michael. «On est soit dehors, soit dedans, à moins d’avoir des équipes dédiées pour l’un et pour l’autre». 

C’est bien le constat que fait la Cour des comptes : «Les observations réalisées montrent qu’en règle générale les MQ ne parviennent à mettre en œuvre des projets d’animation délocalisés qu’en disposant de davantage de ressources financières externes (fonds FACS, contribution communale) ou en diminuant la fréquence d’autres activités (ressources internes)»55 Cour des comptes (2021), opus cité, p. 51 … 

On le voit, les animations délocalisées, pensées pour aller à la rencontre des habitant.es dans les parcs ou au pied des immeubles, sont nombreuses. Ponctuelles ou régulières, festives ou ludiques, toutes ont en commun l’ADN qui les porte : leur ancrage associatif, au cœur de la mission de l’animation socioculturelle genevoise. Toutes ont donc été décidées par des comités d’habitant.es et des équipes, au plus près de la réalité des quartiers et des besoins identifiés.

En réaliser plus, plus souvent, ou tout le temps ? Les envies ne manquent sûrement pas. Reste que ce choix appartient en premier lieu aux associations de centres et qu’aujourd’hui, les moyens octroyés sont insuffisants pour les concrétiser. Dont acte.


En savoir plus


[1]Cour des comptes (2021). L’animation socioculturelle – Activités tout public et cohésion sociale, rapport d’évaluation n°166, p. 3.

[2]Ibidem

[3]Explicitée en page 52 du rapport d’évaluation de la Cour des comptes avec la position du Conseil de Fondation de la FASe

[4]Explicitée en page 53 du rapport d’évaluation de la Cour des comptes avec la position du Conseil de Fondation de la FASe

[5]Cour des comptes (2021), opus cité, p. 51

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