Communication numérique et nouveaux médias réinterrogent les valeurs et les actions de l’animation socioculturelle

Lettre de la Fédération mars 2018

Utiliser le numérique dans l’animation socioculturelle (ASC) pourrait sembler paradoxal tant l’humain, le lien social et la culture associative sont au cœur de l’action des acteurs de maisons de quartier et centres de loisirs. Pourtant, ce mouvement investit bel et bien toutes les composantes de l’activité humaine. Y compris le champ de l’ASC qu’il met face à de grands enjeux et une obligation : « penser ce changement, voire sa métamorphose ». C’est précisément sur ce thème qu’ont planché les participants du 8e colloque du Réseau international de l’animation (RIA) organisé en novembre 2017 à Alger.
Comment accompagner les populations et publics dans une utilisation « avisée » et responsable du numérique ? Quelle formation des professionnels sur ces nouveaux supports ? Quels outils numériques d’animation pour quels projets et quels objectifs socioculturels ? Et enfin, quelles contributions, ou au contraire quelles limites, peuvent avoir ces nouvelles technologies sur la mobilisation politique et citoyenne ? Décliné sur trois jours, le colloque a fait dialoguer les acteurs du terrain de l’animation avec ceux de la recherche autour de ces grands axes de réflexion. Sonja Hanachi et Nathalie Chollet y ont représenté la FCLR. Nous leur avons posé quelques questions.

L’impact du numérique sur les jeunes a été abondamment discuté à Alger. Quelles sont les réflexions ou les enjeux qui vous le plus marquées pour l’animation socioculturelle ?

Nombre de communicants constatent que l’usage des TIC pose la question du rôle et de la place de l’adulte (parents, éducateurs, animateurs) aux côtés des enfants et des jeunes. Ainsi, il se développe chez les enseignants le sentiment d’une perte de statut face à leurs élèves.

L’usage des nouveaux médias donne accès dans l’immédiateté à une information mondialisée et monétisée. De plus, cet univers accentue la concurrence et la compétitivité.  Comment dès lors encadrer les jeunes pour garantir des processus éducatifs qui prônent l’éthique et les valeurs ? Le colloque nous a permis de découvrir des acteurs qui travaillent là-dessus. Par exemple, le collectif d’Education populaire d’Aquitaine (Educpopnum) explore comment les animateurs accompagnent ou pourraient accompagner les jeunes dans l’usage de ces nouvelles technologies.

Au-delà des dangers connus d’addiction, de fractures numériques ou d’abus, les discussions ont-elles fait émerger des pistes d’apports pour ces nouveaux outils au service de la collectivité ?

Des chercheurs à Amiens en France font par exemple l’hypothèse que l’arrivée massive des outils numériques peut induire des recompositions considérables et ouvrir de nouvelles voies et de nouvelles pratiques dans l’éducation populaire, l’action militante ou encore le domaine de la médiation.

De son côté, le directeur du centre social et culturel de Hautepierre à Strasbourg est venu témoigner d’un projet développé par son pôle jeunesse. Dans un quartier où les jeux vidéo sont devenus une compensation au déficit de lien social, l’équipe s’est justement servie de l’outil numérique comme vecteur de réappropriation de l’espace social par les jeunes du quartier, « une expérience unique et citoyenne ».

Et si l’on « dézoome » encore, quels questionnements et réflexions retirez-vous de ces trois jours ?

Ce colloque a clairement abordé des sujets globaux qui vont au-delà de la simple question de l’usage du numérique : il s’agit de préoccupations majeures qui traversent notre société contemporaine et, dans son sillage, le travail social. Elles s’organisent en deux pôles.

D’une part, comment on pense l’avenir de cette société à travers des questions comme le genre, l’ostracisme dont les jeunes font l’objet ou encore la transmission entre générations.

D’autre part comment on invente un autre monde, notamment avec la participation citoyenne pour faire évoluer la société et la démocratie, la question du bien-être (quels indicateurs), ou encore l’enjeu de la violence.

Face à ces questions, les participants du colloque ont réfléchi au rôle que pourrait jouer les TIC. Peuvent-ils constituer une partie de la solution, en étant un moyen de promouvoir les valeurs de l’animation socioculturelle et de favoriser le lien social et la démocratie ? Et donc en tant un contrepoint aux puissants lobbyings médiatiques, marchands et consuméristes ? Le colloque nous a permis de voir que les expériences internationales en animation socioculturelle s’interrogent beaucoup là-dessus, et développent des réponses singulières, locales, incluant l’usage des TIC. Une belle mise en perspective !

Les « résumés » édités par les organisateurs du 8e colloque international RIA sont disponibles dans leur intégralité auprès du secrétariat de la FCLR. 

Prochain colloque RIA

Les colloques RIA sont organisés tous les deux ans.
Le prochain se profile en 2019 en Suisse romande, plus précisément à Genève, Lausanne et Sierre. La Lettre d’info de la FCLR se fera l’écho de son organisation.

 

Le débat à Genève

Ce début d’année, la Maison de quartier des Eaux-Vives s’est aussi intéressée à la question des nouvelles technologies. Dans le cadre d’un cycle de « Soirées à thème autour de l’éducation », elle a notamment invité le 6 mars dernier la philosophe Martine Nannini à venir parler de « Nouvelles technologies et vieux cerveaux », amenant ainsi le public à s’interroger sur l’avenir de l’homme et de l’humanisme.

Une quarantaine de personnes ont participé à la soirée, à la fois des habitués mais aussi de nouveaux visages. À la Maison de quartier des Eaux-Vives, le succès de cette soirée donne envie de poursuivre la réflexion.

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