Formation à l’animation socioculturelle : le dialogue s’intensifie entre les acteurs

Lettre de la Fédération no 9, décembre 2017

Dans la précédente édition de cette Lettre d’information, la Une levait un coin du voile sur les enjeux qui entourent la formation des animateurs socioculturels. Au cours de cette année, différentes initiatives ont vu le jour pour faire avancer le dialogue entre les acteurs du secteur. Ces dernières semaines, le rythme semble s’être accéléré tandis que se dessinent des volontés communes et des points de convergence. État des lieux.

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Des espaces pour dialoguer

Ce printemps, un groupe de travail composé de professionnels, de représentants de la FASe et de la FCLR se mettait naturellement en place pour plancher sur la question épineuse mais néanmoins centrale de la relation entre professionnels et comités de bénévoles. Résultat : le 20 mai, un « Regards croisés » réunissait pour la première fois des professionnels et des membres de comités le temps d’une matinée d’échange et de réflexion au cours de laquelle la formation des animateurs et le rôle de la HETS ont été abordés comme des pistes à explorer.

Depuis, le groupe de travail poursuit ses travaux dans cette dynamique collaborative. « Ce GT permet de construire un véritable espace de réflexion dans une ambiance conviviale entre professionnels de la FASe et représentants de la FCLR. Car nous nous concentrons sur un objectif : identifier les compétences requises pour établir une bonne collaboration entre professionnels et comités en faisant abstraction des contraintes institutionnelles », rapporte Paola Ferretti, coordinatrice région au secrétariat général de la la FASe. Pour Pascal Thurnherr, président de la FCLR qui en fait également partie, il est maintenant important que la HETS s’implique dans ce groupe. Ce sera le cas en 2018.

À l’automne, la Commission Formation de la FCLR et les enseignants de la HETS porteurs des modules de la filière animation socioculturelle se sont rencontrés en deux temps. Pour la FCLR, ces rencontres visaient à dire aux enseignants le sentiment d’être peu présente et impliquée dans les contenus de formation initiale des animateurs, et à partager la perception qu’ont les centres d’accueillir des animateurs stagiaires insuffisamment préparés au fonctionnement associatif et à leur « double allégeance » à l’employeur FASe et à l’employeur terrain.

Rappelant au passage que la Commission Formation de la FCLR est elle-même relativement récente au sein de la Fédération, Anne Etienne Rodriguez, qui en est membre, se veut encourageante : « Ces premiers échanges sont positifs pour la suite. Le contact a été bon de part et d’autre, nos demandes ont été bien reçues et chacun a pu prendre conscience des enjeux. » La collaboration se met tout juste en place et rendez-vous a été pris pour reprendre le dialogue en 2018, en parallèle de l’organisation en mai 2018 d’un deuxième « Regards croisés » commun avec la FASe.

Ces deux espaces qui avancent en parallèle marquent la volonté commune de tous les acteurs de travailler ensemble. Les discussions esquissent des pistes concrètes et font émerger des éléments de convergences encourageants.

Décloisonner savoirs techniques et pratiques

« Les animateurs ont notamment pour rôle de stimuler la créativité citoyenne en gardant en ligne de mire les fondements et les valeurs associatives de l’animation socioculturelle. Sur ces aspects-là, il me semble qu’il manque quelque chose dans leur formation initiale », estime Pascal Thurnherr. « J’ai le sentiment que nous faisons déjà mieux et plus pour expliquer aux futurs animateurs le mandat associatif des centres. Mais dans les enseignements, il pourrait y avoir plus de partage et plus de contacts avec les pionniers qui se sont formés sur le tas et ont posé les bases du métier. »

La question de l’intégration des bonnes pratiques dans les enseignements est posée. Tant les coordinateurs de la FCLR que les membres des comités pourraient enrichir les bases théoriques de la formation en partageant des expériences pratiques acquises dans les centres. En exemple, Pascal Thurnherr cite notamment le développement urbain et la manière dont le binôme équipe d’animation-comité d’une maison de quartier peut jouer un rôle déterminant pour influencer un projet de quartier. Paola Ferretti tempère quelque peu : « Il faut rappeler en même temps qu’il y a des comités heureux qui travaillent avec des équipes heureuses. Il faut aussi garder à l’esprit qu’il n’y a pas de recette unique et que chaque centre doit trouver ses solutions et son propre équilibre, en tenant compte du tournus dans les équipes et les comités ».

Des solutions sont aussi à chercher du côté de la formation continue. Anne Etienne Rodriguez confirme l’intention de la Commission Formation de la FCLR de rencontrer prochainement le Centre de formation continue (CEFOC). Pour la Fédération, il s’agira à la fois d’en savoir plus sur l’offre et les contenus des formations continues et d’évaluer/proposer des champs d’intervention possible pour la FCLR.

Déontologie, éthique et humilité : retour au sens et aux valeurs humaines

La HETS et les savoirs généralistes qu’elle dispense sont indispensables, tout le monde en convient. Les animateurs sont au quotidien des chefs de projet qui doivent animer des groupes, organiser des activités, gérer des calendriers et des budgets, assurer la qualité des animations, mettre en œuvre des stratégies décidées par un comité, répondre aux besoins sans cesse fluctuants des habitants, etc. En s’appuyant sur des bénévoles !

Paolo Ferretti résume : « L’environnement genevois de l’animation socioculturelle est exigeant, car l’action n’est pas pré-construite : elle se co-construit avec les habitants, les animateurs et les bénévoles. Cela demande à tous de se faire mutuellement confiance, de l’engagement et des compétences humaines ».

Pascal Thurnherr rappelle combien les bénévoles ont eux-aussi besoin d’être formés et le rôle majeur que les équipes d’animation jouent pour cela. Rassurer les membres bénévoles face à la complexité, les valoriser, les former et les informer, leur insuffler le sentiment que c’est possible, que les choses ne sont pas si compliquées, qu’ensemble, on va y arriver… tout en acceptant d’être challengés et remis en question par eux, voilà bien un autre tiraillement auquel les animateurs sont confrontés dans leur pratique quotidienne.

« Il faut être très sûr de soi et avoir une déontologie et une éthique professionnelles très fortes pour parvenir à identifier les personnes susceptibles d’entrer au comité, et leur fournir les outils pour qu’elles soient capables de juger son travail et de bousculer sa pratique. » relève Pascal Thurnherr. « Il faut beaucoup d’humilité pour gérer cela sans s’oublier soi-même. Ni oublier que la maison de quartier n’appartient ni aux animateurs ni au comité mais bien aux habitants », ajoute Paola Ferretti.

Ouvertures

« Animateur n’est pas un métier comme les autres. Pour l’exercer, il faut savoir se réinventer et être anticonformiste » martèle Pascal Thurnherr. Certes, les normes changent, les contextes évoluent, les individus se renouvellent. C’est le cours des choses. Mais si ces périodes de transition sont naturelles, elles n’en posent pas moins des défis aux mondes qui les vivent. Et pas seulement dans celui de l’animation socioculturelle. Partant de ce principe fondamental, « on gagnerait à organiser des Regards croisés avec d’autres milieux et d’autres métiers. Car même s’il y a des spécificités propres à l’animation socioculturelle, il y a aussi chez nous des problématiques qui traversent de manière générale le monde du travail et des rapports professionnels », conclut Paola Ferretti.

Fertiliser les visions au contact les unes des autres, c’est bien la base de l’intelligence collective, et la source vivante à laquelle l’animation socioculturelle s’abreuve depuis ses origines. Pourquoi en serait-il autrement lorsqu’il s’agit de revisiter la formation de ses professionnels ? Les jalons posés cette année ouvrent grandes les perspectives pour la suite.

 

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